Cher Maurice Métral

L'absence n'altère en rien l'image que je garde en mémoire : je vous imagine toujours en personnage trentenaire, silhouette à peine dégingandée arpentant les couloirs de la rédaction de la « Feuille d'Avis du Valais » à Sion.
Le parcours était immuable : de la salle des télex à votre bureau et de là, à l'antre des linotypistes où régnaient M. Charles et Rosé en maîtres absolus des règles de la langue française.

Vous étiez rédacteur en chef adjoint, secrétaire de rédaction, rédacteur de marbre et même éducateur - tout théorique - « sessuel » auprès d'une Gilberte Favre dont les rougeurs sur les joues, trahissaient un émoi des plus innocents.

Vous étiez notre conseiller à tous pour toutes sortes de questions qui dépassaient souvent le cadre d'une rédaction provinciale.

Votre accent grônois était presque inimitable - le seul à y parvenir a été, je puis l'affirmer, Jean Quinodoz le musicien - et les histoires que vous nous racontiez quand la rotative sortait le journal, aux avant-scènes de l'aurore, avaient ce parfum des contes d'un pays viscéralement enraciné dans le terreau de votre mémoire.

Ces histoires, on les retrouvait dans vos romans. Vos livres parlent de vie, de mort et de souffrances et lorsqu'il y a errance, ce n'est pas celle d'Ulysse, mais celle de ces montagnards qui vendangeaient en plaine sur les rives du Rhône et qui poussaient leurs troupeaux à l'assaut des hauts pâturages à flancs de glaciers, au gré de saisons et d'événements ponctués par un calendrier religieux d'une rigueur exemplaire.

Ce Valais austère n'excluait pas les plaisirs du quotidien, les nourritures terrestres ou la générosité d'âme : toutes qualités que vous portiez en vous.
Il suffisait de franchir le seuil de votre maison pour se retrouver aussitôt assis à la table familiale.
Sur un ton qui était celui du patriarche mais qui trahissait en même temps tout ce qui fait la bonté des êtres, vous commandiez

- Angèle, va chercher le fromage !

Merci Maurice pour tous ces merveilleux souvenirs qui resteront dans nos mémoires à ceux qui vous ont connus, comme moi.

Le 14 janvier 2005

Alphonse Layaz
Un ami de toujours